Entre 1728 et 1760, Benito Feijoo (1676-1764) est un moine bénédictin espagnol qui fut un des vecteurs de l’encyclopédie en Espagne, notamment par son théâtre et ses lettres. Il propose deux hypothèses neuves : celle de l’existence d’un autre monde et celle de l’existence d’autres créatures rationnelles différentes de l’être humain. Mais quelle est la vraisemblance de ces hypothèses ?
Frédéric Prot (Université de Bordeaux 3) « L’hypothèse de la pluralité des mondes dans l’œuvre de Feijoo (1676-1764) : le péril d’un compromis entre l’astronomie moderne et l’orthodoxie scolastique »
Frédéric Prot a commencé par rappeler l’opposition de deux cosmologies.
Feijo consacre plusieurs essais à la vraisemblance d’une pluralité de mondes dans le cosmos chrétien. Cette hypothèse, que l’astronomie d’alors tend à étayer, sans disposer pour autant des moyens de l’établir par la preuve, contredit la « vérité » admise de l’unicité du monde. En recourant dans un premier moment à la doctrine de la double vérité, Feijoo tâche de concilier la science, la métaphysique et la théologie.
Feijoo est très prudent quant à l’infinité ou la finité de l’univers. Mais on peut deviner le parti que prend Feijoo même s’il ne le dit pas explicitement. Il utilise quatre stratégies :
Mais Feijoo a conscience du péril pour la raison et la foi. La solution est alors de trouver une métaphysique pour défendre la pluralité des mondes. Il aboutit bientôt à l’existence virtuelle en Dieu d’une multitude de mondes. Paradoxalement, le souci de ménager l’orthodoxie scolastique vient de le mener au bord d’un spinozisme (Dieu rassemble la totalité de ce qui existe) qu’il s’empresse de récuser, lui-même effaré car le péril est encore plus grand que la double vérité. Dieu fait-il corps avec sa création ou accueille-t-il en lui l’ensemble des possibles de la Nature ? À force de vouloir concilier les contraires, Feijoo peine à éviter le risque de spinozisme. Est-ce une maladresse ou un subterfuge ? Feijoo défend l’inhérence des mondes en Dieu comme tout ce qui est est en Dieu selon Spinoza. Mais Pourquoi Feijoo cherche-t-il seulement à se distinguer de Spinoza plutôt que de corriger les ambiguïtés de son texte ? Hypothèse de Frédéric Prot : Feijoo s’explique avec lui-même. Feijoo ne croit pas en la nécessité de l’expression de Dieu mais bien en la liberté de la création divine.