Expérience religieuse et traditions dogmatiques

L’expérience spirituelle est souvent vue comme une expérience intérieure – parfois secrète, parfois publique – mais toujours personnelle. Or le dogme religieux, et les traditions qui s’y adossent, peuvent au contraire cristalliser par le langage un moment qui demeure indicible, puis interroger cette expérience de diverses manières : parfois avec curiosité, parfois de manière suspicieuse ou antagoniste, parfois simplement dans l’optique de permettre à la communauté de croyants dont cette expérience serait issue de valider celle-ci. Dans quelle mesure la tradition dogmatique entre-t-elle alors en opposition avec l’expérience ou se fait-elle son soutien ? Cela dépend bien sûr des cas. Celui qui nous intéresse ici concernera les discours non-dualistes, souvent influencés par les pensées « orientales » dont Abhishiktananda demeure un important représentant par exemple, et qui remettent en question le statut même du langage pour exprimer le divin.

Avec Ghislain Lafont, moine à l’abbaye de la Pierre-qui-vire, et auteur de nombreux ouvrages sur ces enjeux (Dieu, le temps et l’être[1986], La Sagesse et la Prophétie. Modèles théologiques [1999], Désir ou écoute ? Brefs propos autour de l’expérience de Dieu [2010]) nous explorerons la relation de l’expérience spirituelle et du dogme en réfléchissant au possible dépassement de cette opposition entre dualisme (deux réalités différentes) et monisme (une seule, que ce soit l’esprit ou la matière), pour voir s’il est possible de penser une distinction entre l’expérience et son expression qui ne serait pas séparation, dualité, mais n’entraînerait pas non plus la confusion.

Introduction par Xavier Gravend-Tirole (Université de Lausanne)