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Simone Weil et l’expérience mystique. Interventions d’Emmanuel Gabellieri (Université catholique de Lyon, doyen de la faculté de philosophie) et de Joël Janiaud (Université de Lyon 3)

E Gabellieri, Preuve ontologique expérimentée et expérience mystique chez S Weil (SW)

E Gabellieri défend que derrière l’évolution de la pensée de SW se cache une unité de son inspiration et une systématicité. Elle a exploré les degrés ou niveaux de l’expérience. L’expérience mystique ne prend alors son sens qu’en relation avec les autres niveaux de l’expérience humaine qui sont éclairés en retour. Il existe une analogicité de l’expérience allant de l’expérience empirique à l’expérience mystique au sein d’un empirisme ou d’un positivisme supérieur. « Le Christ m’a prise » dit-elle mais quelle rationalité et quelle universalité contient une telle affirmation ? La réponse suppose de développer les analogies de l’expérience comme EG l’a fait dans le recueil Philosophie et Mystique édité par Philippe Capelle, en 2005, au Cerf.

SW n’a pas eu de dialogue ni de vision sensible de Dieu mais, à travers la souffrance, elle a fait l’expérience de Dieu. Cette expérience avait déjà été décrite dans La Condition Ouvrière à props de la compassion entre ouvriers, ce qui est une preuve de la continuité de l’œuvre.

La preuve ontologique expérimentale consiste en une vérification expérimentale de ce qui est en jeu. Elle est la combinaison de l’expérience, de la philosophie et de la christologie et l’on pourrait parler d’argument onto-christologique, ce qu’avait repéré S Breton dès 1954.

L’Incarnation serait la conciliation entre le sensible et l’intelligible que Platon a cherché sans le comprendre, càd la capacité du divin à se manifester dans le monde tout en le transcendant.

Le fond de la preuve ontologique est que le parfait est plus réel que l’imparfait. Telle est la vérité de la pensée, du désir, de l’expérience. Il faut chercher le plus de réalité de l’Idée dans le monde. Exemple : le juste parfait dans ce monde décrit dans la République est la preuve d’une existence parfaite et idéelle dans ce monde. Le modèle de la Justice à imiter pour un être humain n’est pas l’Idée de la Justice mais un juste parfait, présent sans fausse apparence de justice. Socrate et Jésus-Christ sont des cas de justes parfaits, ce qui avait déjà vu par Justin ou Clément d’Alexandrie. Mais rien dans la République ne dit que le juste parfait souffre pour son amour des êtres humains. Prométhée a eu lui, de la pitié pour les êtres humains sans être reconnu pour cet amour, abandonné des êtres humainss et des dieux eux-mêmes. C’est la confirmation du lien de la justice parfaite et de la justice évangélique.

SW développe ainsi une métaphysique de la médiation qui prend à la fois dans Pythagore, Platon et la dogmatique chrétienne.

Philèbe, 16. Articulation entre l’un et le plusieurs qui est à comparer avec la médiation de la Trinité. Il faut aussi un troisième niveau selon SW : pour qu’il y ait union parfaite, il faut un lien qui mène à l’union comme la proportion géométrique avec un intermédiaire. Si l’Incarnation est intersection Dieu / matière, la personne du Christ est cette intersection qui porte le limité et l’illimité.Le juste parfait est déjà cette médiation parfaite, comme l’est la croix du Christ. On a donc une harmonie parfaite entre les contraires qui sont distants et unis. Mais il n’y a pas d’idéalisme chez SW : il y a un ancrage dans l’expérience vécue. C’est la liaison entre raison et amour qui éclaire l’argument ontologique. Cet argument n’est pas seulement pour l’intellect, car il faut comprendre aussi l’Incarnation, la Croix etc. Les dogmes s’imposent à l’intelligence comme des certitudes une fois reconnus par une alliance d’amour et de raison. Donc on ne peut pas reprocher à SW de tomber dans l’idéalisme logique où la raison serait suffisante pour reconnaître Dieu.

« Preuve ontologique expérimentale. Je n’ai pas en moi de principe d’ascension. Je ne puis grimper dans l’air jusqu’au ciel. C’est seulement en orientant ma pensée vers quelque chose de meilleur que moi que ce quelque chose me tire vers le haut. Si je suis réellement tirée, ce qui me tire est réel. » (OC, K8, 121)

« le Christ lui-même est descendu et m’a prise. Dans mes raisonnements sur l’insolubilité du problème de Dieu, je n’avais pas prévu la possibilité de cela, d’un contact réel, de personne à personne, ici-bas, entre un être humain et Dieu (...) Je n’avais jamais lu de mystiques (...) Dieu m’avait miséricordieusement empêchée de lire les mystiques, afin qu’il me fût évident que je n’avais pas fabriqué ce contact absolument inattendu » (AD 45)

La preuve ontologique expérimentale est le lieu d’une réception du Bien sans que cette réception relève d’une construction humaine. La convenance a priori n’est pas suffisante mais doit être confirmée a posteriori. L’expérience morale ou la réflexion philosophique affirment et vivent cette convenance et l’expérience religieuse expérimente et participe à cette descente de Dieu et donc de l’Incarnation en les reconnaissant dans leur vérité comme médiation de l’humain et dans le divin.

On assiste donc au dépassement du débat phénoménologie/métaphysique car tous ces phénomènes sont dépassés par la descente de Dieu dans le phénomène, la médiation évite de choisir entre phénoménologie et métaphysique.

Ouvrages

- Simone Weil, Ellipses, coll. « philo-philosophes », Paris, octobre 2001,
- Etre et Don. S.Weil et la philosophie, « Bibliothèque philosophique de Louvain » n°57, Peeters/Vrin, Louvain-Paris, 2003, 581 p.(épuisé)
- « Amor mundi, Amor Dei. S.Weil et H.Arendt » (colloque dir.E.Gabellieri), Théophilyon IX-2, 2004, p.325-579
- Simone Weil. Action et contemplation (E.Gabellieri/M.C.Bingemer ed.), L’Harmattan, 2008

Articles récents

- "Simone Weil : raison philosophique et amour surnaturel" , dans Expérience Philosophique et Expérience Mystique (ed. P.Capelle), Cerf, coll. « Philosophie-Théologie », 2005, p.207-220
- " ’De la poésie en action’. Logos et Kairos au fondement du poétique weilien", dans Simone Weil et le poétique (dir.J.Thelot-J.M.Le Lannou…), Ed. Kimé, 2007, p.89-108.
- "S.Weil, la source grecque et le christianisme", (rééd.) dans Simone Weil. Sagesse et grâce violente (dir. Fl. De Lussy), Bayard, 2009, p.165-82
- « Ethique et Vie publique comme médiations entre religion et politique : S.Weil et J.Maritain », dans Ragione, religione, società, Annuario di Filosofia 2009, a cura di V.Possenti, Guerini, Milano, 2009, p.119-138
- Préface à Simone Weil (dir. Chantal Delsol) coll. "Les Cahiers d’Histoire de la Philosophie", Cerf, 2009, p.9-19
- « Le donné et le mystère. Notes sur phénoménologie, métaphysique et révélation chez S.Weil », Archives de philosophie, 4/2009, p.627-644
- « S.Weil et S.Breton. Platonisme et christianisme au XXe s", Cahiers Simone Weil, déc. 2010, p.543-57
- « Simone Weil, Philosophie de la médiation et théologie de la Croix », dans Philosophie et théologie à l’époque contemporaine, Anthologie, tome IV (dir. Ph. Capelle) Cerf, 2011, p.207-18.

J Janiaud L’expérience mystique et la diversité des religions chez Simone Weil

L’expérience mystique selon SW est à la fois une expérience précise de rencontre avec le Christ mais SW a aussi écrit de nombreux textes sur des traditions religieuses variées et sur leurs mystiques. Cela suppose une unité de la mystique et des traditions religieuses, une convergence de ces traditions qui se reconnaît dans le mysticisme.

I Caractéristique de son expérience

1) SW ne proclame pas une appartenance à une tradition ou à une Eglise, mais a une authentique expérience mystique du Christ.

2) Ineffabilité mais avec un récit aussi bien philosophique que plus littéraire. Description d’un sentir non sensible, d’une connaissance que l’on retrouve dans la tradition platonicienne.

3) Rapport à la folie car bouleversement de l’activité psychologique normale, notamment à propos de réflexions sur la bouddhisme.

4) Bouleversement de notre sens de la réalité et de la perspective personnelle dans l’expérience mystique qui ne vient pas de l’imagination.

5) Toujours un rapport entre mystique et philosophie.

II. Universalité de l’expérience mystique à travers la diversité des traditions religieuses.

L’expérience mystique témoigne d’une universalité d’une possibilité car l’origine et le principe des mystiques sont très souvent quasi-identiques. Une exception possible dans le judaïsme qui n’aurait pas de mystique car ce serait une religion sociale. Ce serait à rapprocher de la religion politique romaine. Ce point paraît très discutable comme l’a fait remarqué une personne du public.

Qu’est-ce qui est exceptionnel dans l’expérience mystique ? C’est la rencontre de l’absolu qui est au-delà des constructions sociales et idéologiques. Le mystique échappe au règne de la force qui explique l’essentiel des rapports interhumains (voir la tradition marxiste) et est la rencontre avec un transcendant.

L’ expérience mystique de SW est une expérience par la souffrance et donc cela passe pour elle par la rencontre du Christ, mais il n’est pas nécessaire de passer par le Christ pour arriver à l’expérience mystique.

Sa défense de l’universalisme est donc difficile car cet universalisme n’est jamais totalement achevé. SW se donnait comme programme idéal de creuser chaque tradition dans sa spécificité pour montrer que la vérité est une. Elle l’a fait pour la Grèce antique (Pythagorisme, Platon et Jean de la Croix), pour les mystiques de l’Inde, de la Chine et du Japon : taoïsme, bouddhisme zen. Comment unifier l’expérience mystique ? SW fait un tri en fonction d’une convergence vers le christianisme et le platonisme, pour retrouver tout ce qui prône la compassion et l’association du personnel et de l’impersonnel.

III. Anthropologie spirituelle

Il y a selon SW une prédisposition chez tous les êtres humains pour l’expérience spirituelle : la capacité d’attention qui permet de préparer une expérience spirituelle surtout s’il y a compassion ou orientation vers le Bien.

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