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Épistémologie

Les religions sont devenues objets de nombreuses sciences qui se présentent comme empiriques. Empiriques, en ce sens qu’elles mettent en œuvre un ensemble de procédés dits d’observation, par lesquels elles déconnectent le phénomène de son contexte subjectif d’appréhension pour l’inscrire dans un contexte objectif contrôlable : le phénomène devient un fait de l’expérience .

1. Diversité des méthodes d’étude de la religion

On pourrait dresser un large tableau des sciences pour lesquelles la religion est devenue un champ d’étude. Cela ne vaut pas seulement pour la sociologie, dont la religion a été dès sa fondation et aussi bien en France qu’en Allemagne, un objet privilégié . Cela vaut aussi pour l’histoire, histoire politique, sociale ou histoire des idées. Au-delà des sciences sociales, la religion est aussi devenue l’objet de l’attention des sciences du comportement (de la psychologie empiriste du début du 20è siècle aux sciences cognitives contemporaines) et même de la biologie évolutionniste. On n’oubliera pas la critique littéraire : il lui arrive d’investir, à l’aide de méthodes rigoureuses d’objectivation, des récits d’expériences religieuses. Dans tous les cas, et sans que soit nécessairement nié le rôle des croyances subjectives, individuelles ou collectives, ces disciplines prétendent aborder la religion comme un fait d’expérience. Toutefois, il est évident que les méthodes d’observation et de contrôle diffèrent selon les sciences. En conséquence, l’expérience du sociologue n’est pas celle du biologiste évolutionniste, et toutes deux diffèrent de celle du psychanalyste. Mener une réflexion épistémologique sur les sciences de la religion, c’est donc en premier lieu s’interroger sur les points de convergence, les écarts, voire les oppositions entre ce que ces différentes sciences appellent religion.

2. L’étude des approches empiriques de la religion : voie royale pour questionner le statut épistémologique de l’expérience ?

Un point de convergence entre toutes les manières d’aborder empiriquement la religion est évident, et il est attesté par l’existence d’une demande sociale d’études empiriques de la religion. La démarche empirique paraît susceptible de produire un discours qui ne soit pas apologétique sur la religion. En effet, la neutralité est constitutive de toute science empirique dans la mesure où la constitution d’une expérience c’est-à-dire d’un domaine contrôlable objectivement suppose la mise entre parenthèses des jugements de valeur.

Ce constat, d’abord, met en question le statut de démarches qui se veulent religieuses tout en prétendant se rapporter à une matière empirique, telles que l’exégèse ou, peut-être, la théologie pratique. Si la constitution d’une expérience suppose la neutralité, comment une démarche inscrite dans un cadre institutionnel religieux, et poursuivant des fins religieuses, pourrait-elle prétendre se fonder sur l’expérience ? Car la religion se définit précisément par un refus de l’attitude de neutralité face à l’objet. Le religieux est celui qui, sur la base d’une croyance non contrôlable objectivement, que l’on appelle généralement la foi, prend position sur la constitution du réel. Il paraît y avoir incompatibilité entre démarche religieuse et démarche empirique. En fait, ce ne sont pas seulement ces démarches hybrides, mais bien toute tentative d’aborder empiriquement la religion, qui sont mises en question. La religion, en effet, prétend se fonder sur la foi. Or, elle donne à cette foi un statut ambigu : celui d’une expérience, dans la mesure où elle est observable, mais d’une expérience non contrôlable objectivement, dans la mesure où elle n’est observée que par l’esprit. Il s’agit donc d’une expérience inacceptable comme telle pour la science empirique. Celle-ci semble obligée soit de négliger purement et simplement le phénomène de la foi, soit de chercher à l’objectiver, c’est-à-dire à le supprimer en tant que foi.

Autrement dit, les sciences empiriques, comme telles, paraissent condamnées à faire d’une certaine manière violence au phénomène de la religion tel qu’il se présente immédiatement. Au-delà de la question déjà soulevée de savoir comment cette violence s’opère dans les différentes sciences, et si certaines peuvent l’éviter, se pose celle de déterminer si cette violence est spécifique à l’étude de la religion. La violence faite à la religion comme phénomène immédiat, violence qui lui permet d’élever le religieux au rang d’objet de la science, est-elle spécifique aux sciences de la religion et leur pose-t-elle une difficulté particulière, ou n’est-elle au contraire que le signe, dans ces sciences, de la rupture épistémologique nécessaire à toute démarche véritablement scientifique ? Parce que la différence entre expérience immédiate et expérience scientifique s’y fait sentir de manière particulièrement vive, les études empiriques de la religion ne constituent-elles pas le lieu privilégié d’une interrogation épistémologique générale sur la notion même d’expérience scientifique, sa constitution et son rapport avec l’expérience commune ? Si la réponse était affirmative, distinguer le rôle de l’expérimental, de l’empirique, du réductionnisme et du naturalisme dans l’étude scientifique des phénomènes religieux serait un moyen de pénétrer au cœur des problèmes épistémologiques posés à toute science empirique. Cela expliquerait peut-être aussi la place importante de l’étude des religions dans la fondation des sciences sociales : comme si une science capable de rendre compte empiriquement de la religion était capable, a fortiori, d’appréhender les autres phénomènes.

Théorie de la religion

1. La religion : fait psychologique, social ou biologique ?

Les différences de méthode dans l’approche de la religion déterminent différentes conceptions de la religion. Selon qu’on la considère plutôt comme un ensemble d’institutions ou de pratiques rituelles, un mécanisme psychique de défense contre certaines situations à risque, ou encore un moyen de conservation de l’espèce, la religion change de nature. Comment articuler objectivement ces différences ?

La diversité des approches empiriques de la religion nous apprend-elle quelque chose sur la diversité des religions ? Doit-elle plutôt nous faire réfléchir sur la dimension plurielle de tout phénomène religieux ? Peut-on envisager une hiérarchie de ces approches fondée sur une compréhension de l’essence du phénomène ?

2. En quel sens parler d’expérience religieuse ?

En posant la question des rapports entre expérience scientifique et religion telle qu’elle apparaît immédiatement, on ne pourra pas s’abstenir de traiter la question de savoir en quel sens la religion peut être dite une expérience. Cela signifie trois choses.

a. D’abord, cela suppose de déterminer exactement à quelles conditions on peut parler d’expérience. Dans quel mesure la possibilité de contrôle est-elle essentielle à l’idée d’expérience ? Peut-on penser une observation non sensible mais spirituelle, et une telle observation peut-elle être utilisée dans la science ? Y a-t-il continuité ou rupture entre l’expérience au sens de l’immédiatement donné et l’expérience scientifique ?

b. Ensuite, cela nécessite de préciser ce qu’il faut entendre par ce mot « foi », utilisé non seulement par certaines religions elles-mêmes, mais par certains théoriciens des religions pour caractériser toute religion. S’agit-il d’une croyance intellectuelle ou du sentiment d’une réalité ? D’une prise de position théorique ou d’un engagement pratique ?

c. Enfin, cela pose la question de savoir s’il faut différencier des formes de religions plus facilement caractérisables comme des expériences. On pensera ici, notamment, à la religion antique, pour laquelle le concept de foi est peut-être sans pertinence ; à des formes religieuses non occidentales ; peut-être au mysticisme.

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